Éclipse comics n°2. paraît en juin 1987. 80 pages couleurs dont six sur papier glacé.
Au menu, d'abord des histoires courtes :
L'Héroïne Dans une ville saccagée du futur, une amazone affronte des assaillants voués à sa destruction.
Aucun crédit pour cette histoire qui mixe récit à couleurs super-héroïques et SF (se voulant) adulte.
C'est une histoire à chute sur le thème des apparences trompeuses. Le visuel est accrocheur -à l'époque- et c'est là le principal atout de ce récit au final peu convainquant.
La Morsure du Vampire de Bill Pearson et Nicholas Koening.
Un classique récit de vampires dont la chute dramatique teintée d'humour noir est dans l'esprit des EC comics.
Maître Rautescu se rend chez le sinistre comte pour rédiger son testament. Imbus de sa personne, il méprise et rudoie le petit peuple des campagnes.
Il le paiera très cher.
Une histoire morale, en quelque sorte, mais le dessin laisse un peu dubitatif.
Laser Eraser de Pedro Henry et Steve Dillon.
Mysta Mystralis et Axel Pressbutton voyagent dans l'espace quand ils sont interceptés par un croiseur cruxien.
Axel Pressbutton est un personnage populaire en Grande-Bretagne, un jardinier dévoré vivant par une plante carnivore et qui a été reconstruit. Désormais, il tire sa jouissance de ses actions sadiques... ou presse sur son bouton de poitrine. Les Cruxiens sont des pudibonds fanatiques qui les obligent à traquer un des leurs, un fugitif qui a osé copuler avec son épouse (!) alors que les Cruxiens ne se reproduisent que par insémination artificielle. Le fuyard s'est réfugié sur Depravity, la planète du péché. Ses poursuivants ne pouvant l'y suivre, ils y envoient donc des "impurs" à leur place.
Là, Axel retrouve une de ses vieilles connaissances.
Un des premiers travaux de Steve Dillon. La critique de la pudibonderie est amusante au début et participe à l'esprit iconoclaste du récit... Mais les allusions répétées au sexe finissent par lasser. Aucun personnage n'est vraiment symathique. Dommage aussi que le combat entre Axel et son vieil ennemi soit coupé (est-ce ainsi dans la publication originale ou est-ce une contrainte de pagination propre à Arédit ?) Distrayant mais pas inoubliable.
Le Serpent Mexicain est le gros morceau du numéro.
Scénario de Moench et dessins de Michael Hernandez et Nestor Redondo.
C'est un récit original et ambitieux qui joue sur les paradoxes temporels et la déstructuration du récit.
Le héros, Ace, est homme du 23e siècle qui vit au XVIe siècle, au Mexique, peu avant l'arrivée des Conquistadores.
Il est une sorte de gardien du temps qui doit contrecarrer Krok et ses agents, les Ébènes.
En effet, Krok cherche à modifier les cours du temps pour s'en assurer le contrôle. Par exemple, en dérobant une statue aztèques, il espère créer des interférences susceptibles de provoquer des paradoxes temporels et, au final, changer l'histoire.
Notre héros, Ace, parvient cependant à récupérer l'objet... mais doit l'abandonner aux bons soins de Bridget Kronopoulos, une antiquaire de San Francisco en 1940.
Son compagnon, Rinaldo s'en empare mais Ace parvient à la reprendre avant que les perturbations provoquent des failles temporelles par lesquelles s'engouffrent de monstrueuses apparitions.
La récupération n'empêchera pourtant pas de nouveaux accidents et Ace doit donc repartir dans le temps avec Bridget pour rétablir l'ordre... en ayant soin de ne pas le perturber davantage !
C'est un récit ambitieux mais déstabilisant.
Moench manie les paradoxes, les retournements de situation, alterne temps calmes (chez les Aztèques) et péripéties (à différentes époques) au point de semer une certaine confusion dans l'esprit du lecteur des années 80, moins familiers des notions de paradoxes et de réalités alternatives qu'aujourd'hui (Bien que le film
Retour vers le Futur aborde déjà ce thème.)
La mise en page joue avec le sens de lectures et rayonne autour des Montres Molles de Salvator Dali - clin d'œil à cette notion de temps démonté qui soutient le récit. Moench joue sur les codes, il mêle la narration introspective en voix-off empruntée au polar et le récit de SF.
Il déstructure le récit : les héros sont ensemble
avant de se rencontrer puis ils sont deux fois au même endroit, Ace récupère la statue
avant de l'avoir perdue, Rinaldo la perd
avant de l'avoir possédée alors même qu'il pense ne
jamais l'avoir eue etc.
Il emmène ses personnages à plusieurs époques -le Mexique juste avant l'arrivée des conquérants espagnols, San Francisco dans les années 1940, Londres le jour de l'inauguration de Big Ben etc.- et fait intervenir des personnages historiques comme Benjamin Franklin...
San Diego en 1996 - comme on le voyait en 1987 !Enfin, il use d'un humour emprunt d'auto-dérision permanente : Ace semble parfois se comporter de façon très désinvolte, les apparitions de Tête, l'ordinateur vivant d'Ace (qui a l'aspect d'une tête d'homme flottant dans l'air) provoquent des moments de comédie, le passage temporel s'ouvre... dans les toilettes des dames...
Tout cela est très déstabilisant pour le lecteur des années 80 !
Moench s'est fait plaisir. il a créé son Indiana Jones, un héros qui sent bon le pulp et s'ancre autant dans les années d'Entre-Deux-Guerres que dans l'Amérique précolombienne. D'ailleurs, l'anecdote de la statue volée se réfère explicitement au Faucon Maltais : comme lui, elle est masquée par une couche de peinture et Rinaldo est le sosie de Peter Lorre, tandis qu'Ace s'identifie à Bogart... mais plutôt dans Casa Blanca, lorsqu'il suit des yeux le départ de Bridget...
Les explications sont nourries mais pas toujours claires ainsi, le meld, sorte d'espace-temps qui concentre toutes les époques de la Terre n'est jamais clairement défini même s'il est évoqué constamment. Est-il limité à la Terre ? Permet-il le passage vers d'autres planètes ?
Une double-pleine page fait découvrir le Meld.Quant au Grand Méchant, il agit dans l'ombre (!) par l'intermédiaire de ses émissaires, les Ébènes, dont la nature n'est pas non plus clairement expliquée.
Une fin sur un cliffhanger... Non élucidé, il n'y aura pas d'autres épisodes.Le dessin est soigné et mis en valeur par l'encrage. Hélas, les couleurs sont trop criardes - ce sont les effets de l'impression de l'époque.
Hernandez est inventif dans ses mises en pages - hélas ses efforts sont gâchés par Arédit.
La pagination américaine incluant des pages de publicités, l'éditeur français a coupé la première pleine page, coupant aussi sa composition rayonnante ! Pourtant, l'histoire est présentée en deux parties dans la publication !?
Dernier numéro de cet éphémère magazine, Eclipse n'aura pas de postérité. Le troisième opus annoncé n'a jamais été publié...