1977 avait vu débarquer
La Guerre des Etoiles au ciné.
1978,
Goldorak à la télévision.
Pif se devait d'être au goût du jour.
Le numéro 518 présentait une nouvelle bande de SF signée
Roger Lecureux pour l'histoire et
Alfonso Font pour
les dessins :
Les Robinsons de la Terre.
Le premier avait imaginé
Les Pionniers de l'Espérance avec
Raymond Poïvet, La grande BD de SF de Vaillant/Pif. (D'ailleurs, l'un des héros des Robinsons... porte le même prénom que l'un des Pionniers :
Rodion.)
Le second avait illustré
Sandberg, père et fils, série policière sur scénario de
Cothias.
Le visuel de la couverture évoquait
la Guerre des Etoiles : jets spatiaux, look des méchants (casque kabuto et masques à gaz), grosses bébêtes, calligraphie du titre... Les dinosaures, Lecureux connaissait: comme scénariste de
Rahan, il avait donné à ce dernier l'occasion de les croiser à plusieurs reprises... (*)
L'action débute il y a bien lontemps dans une galaxie lointaine...
très lointaine...
Les pacifiques
Axiens sont agressés par les belliqueux
Zorkiens, un agrégat de races guerrières maté par les systèmes de défense automatique d'Axa. Pas rancuniers, les Axiens décident de rééduquer les barbares en les exilant sur le satellite artificiel de
Thula qui recrée un environnement proche de l'Eden, mais c'est compter sans
Zorka, le chef des guerriers (qui porte le même nom que
sa planète,
ce qui est pratique quand on n'a pas envie de s'embêter à
chercher un nom pour le méchant...)
Zorka, se montre particulièrement réfractaire au pacifisme des Axiens et prend la tête d'une révolte qui aboutit au renversement des rôles : les Axiens sont prisonniers des détenus dans un satellite à la dérive: le poste de commande ayant été saccagé pendant les combats... Ils faut donc cohabiter le temps de trouver une planète où s'installer.
Finalement, le satellite se pose sur la Terre, à l'époque préhistorique. Là, les héros vont s'échapper de Thula et s'aventurer loin du dôme protecteur pour survivre... Traqués par les Zorkiens, car ils représentent un obstacle à l'autorité de leur maître et par les dinosaures qui dominent le monde, ils vont devoir apprendre à se débrouiller seuls (comme Rahan, tiens...)
Le dessin de Font se prête à merveille à ce type de récit de SF, aussi à l'aise pour dessiner les machines (notamment l'impressionnante prothèse mécanique qui remplace la main de Zorka) que les monstres préhistoriques.
Le scénario de Lecureux est enlevé, même s'il n'évite pas quelques écueils...
Le manichéisme d'abord... les Axiens sont pacifistes jusqu'à la naïveté (pour ne pas dire plus), les Zorkiens, méchants comme des teignes avec une mention particulière pour Zorka, chauve comme Mussolini, moustachu comme Hitler, brutal, cruel, goinfre, caractériel, hypocrite... bref un présidentiable idéal ! (**)
Le cliché de la famille Robinson (recomposée), ensuite, comme dans certaines série télé de l'époque... avec le couple de jeunes adultes, l'adolescent révolté et contestataire, le vieillard sage et paternaliste, mais distrait comme tous les savants...
Les erreurs scientifiques, enfin : le satellite traverse plusieurs galaxies en quelques mois... alors que ce n'est pas un vaisseau spatial mais un corps à la dérive (ça me rappelle une histoire de lune vagabonde); Thula est équipé d'un appareil, le préviseur, qui permet de prévoir le futur des planètes qu'il croise... (jusqu'à savoir quels noms porteront les bestioles qui vivent sur Terre !)
La série ne dut pas plaire au lectorat car elle n'eut que quelques épisodes... ce qui est dommage car la qualité était néanmoins au rendez-vous, même si ce n'était pas vraiment du space opera... Les premiers épisodes furent repris en album en 1980, dans la collection Rouge et Or, un fait exceptionnel pour une BD des éditions Vaillant...
(*) Ainsi, Rahan avait foudroyé un tyrannosaure à l'aide d'une lance de métal (!), précipité un Iguanodon dans un ravin, toréé avec un Tricératops, croisé quelques iguanes... Pas mal pour voir que le fils des âges farouches rencontrait fortuitement au cours de sa brève vie des survivants de plusieurs millénaires...
(**) Comme tout bon méchant se doit d'avoir une arme
caractéristique, Zorka affectionne l'usage d'un pistolet désintégrateur qui vaporise ses cibles dans une lumière violette du plus bel effet...