Tom et William est le meilleur album franco-belge que j'ai lu depuis longtemps.
Le récit ? Un petit garçon se retrouve seul dans une petite ville de France où déambulent des aliens. Il rencontre William qui va devenir à la foi son grand frère et un père de substitution. William va le guider et le protéger contre des menaces qui semblent issue de l'imaginaire de Tom, un imaginaire qu'il s'est construit en lisant les bandes-dessinées héritées de son père et produites par un éditeur fictif, les éditions Roa. Heureusement, William est épaulé par les héros de papier qui prennent vie et qui, chacun à son tour, vont combattre - et parfois périr en combattant - les menaces issues de leurs univers de fiction, en attendant l'ultime confrontation.
L'album de Laurent LEFEUVRE est un petit bijou. Un hymne à la bédé popu qui a charmé nos jeunes années et qui nous titille encore. L'antidote à cette BD prétentieuse qui cherche à flatter des gens qui la méprisent en abandonnant même son nom - "roman graphique", un terme piraté chez les Américains et dénaturé pour devenir un label - et son identité. Le graphisme n'obéit pas non plus aux canons de l'actuelle BD commerciale avec esthétique comico-mangaïsée et couleurs informatiques glacées. Le trait est souvent épais, les visages pas toujours gracieux, les ombres parfois hachurées comme si le dessin avait été effectué à la va-vite, les couleurs sont franches et épaisses (bien que traitées à l'informatique) : l'auteur a mis en harmonie sa technique avec son sujet. On reconnaîtra d'ailleurs, dans certaines vignettes des emprunts à Steranko (et son fameux raccourci sur un visage) et à d'autres (la chute finale du grand méchant). La fiction inter-réagit avec la réalité, l'un des personnages, Alain Chevrel, tient un blog consacré aux éditions Roa que l'on peut consulter sur cette adresse : http://roa.over-blog.com/ En effet, pour faire connaître son album, Laurent LEFEUVRE, a fabriqué des dizaines de fausses couvertures et planches qui ont donné substance à un éditeur - et un auteur imaginaire. Une stratégie intelligente quand on sait que, de nos jours, la qualité d'une œuvre importe parfois moins que le buzz que l'on saura créer autour.
C'est donc à la fois un récit captivant, un hommage vibrant à la bédé authentique (et pas à la BD de salon, aussi nouvelle soit-elle) et une entreprise culottée que n'aurait pas reniée un Alan Moore.
Chaudement recommandé.