Diffusée pour la première fois en 1971,
La Brigade des Maléfices est une des rares incursions réussies de la télévision française dans le domaine du fantastique réuni au policier .
© INA 1975Dès les premières images, on assiste à l'arrivée d'un singulier équipage au 36 Quai des Orfèvres, il s'agit du commissaire
Guillaume-Martin Paumier (Léo Campion) et de son assistant
Albert (Marc Lamole), seuls membres d'un service non officiel de la préfecture de police de Paris,
La Brigade des Maléfices, situé sous les combles, et dont le local ressemble d'avantage à une caverne d'Ali Baba encombrée d'alambiques aux cornues ventrues et de bibelots exotiques qu'à un bureau.
Albert, en tenue d'aviateur de l'époque héroïque pilote le sidecar dans lequel se déplace Paumier, portant chapeau noir et écharpe rouge à la Bruant.
Bruant par Toulouse Lautrec.Paumier est à la fois un cousin du
colonel March de Scotland Yard (du service des affaires classées !) et un parent de l'enquêteur
Fox Mulder des
X-Files (Aux Frontières du réel).
© Fountain Productions - ITV.
Le colonel March interprété par Boris Karloff dans une série télévisée britanniqueC'est à l'enquêteur Paumier qu'échoit la mission de débrouiller les affaires les plus étranges, celles dans lesquelles les méthodes d'investigations traditionnelles s'avèrent inefficaces. Il dépend du commissaire principal (Jacques François) qui, bien que dépassé par le mode opératoire de son subalterne, lui accorde néanmoins sa confiance, au grand dam du commissaire
Muselier (J.-C. Balard), un technocrate féru des méthodes scientifiques et rationnelles.
La Brigade est née de l'imagination
Claude Guillemot et de
Claude-Jean Philippe, et mêle habilement l'intrigue policière, le merveilleux, la poésie et l'humour. Un cocktail tellement inhabituel que les Muselier en charge de la programmation reléguèrent le feuilleton à des horaires estivaux bouche-trous.
© INA 1975
Paumier est idéalement incarné par
Léo Campion qui lui prête sa physionomie bonhomme et son œil pétillant de malice.
1er épisode : Les disparus de Rambouillet.Les disparitions se multiplient près de
la Mare aux fées, dans la forêt de Rambouillet. Les disparus ont en commun d'être des hommes jeunes, d'un physique agréable bien qu'anodin, et menant une vie rangée. Un seul témoin, le braconnier
Garou, qui prétend qu'ils ont été enlevés par
les fées.
Muselier, chargé de l'affaire n'en crois pas un mot, songeant plutôt à une affaire de mœurs... Mais il piétine en dépit des moyens mis en œuvre : mobilisation d'un effectif important de policiers, fouille méthodique, recoupement d'informations, profilage des victimes par ordinateur, appât... Les méthodes rationnelles échouant,
Paumier est alors sollicité. Il s'intéresse à un photographe qui fréquente les lieux,
Jacques Lancelot, en qui il voit une victime potentielle. A son domicile, le photographe a la surprise de découvrir sur ses clichés de la Mare aux fées la présence d'une jeune femme brune qu'il n'avait pas remarquée. Il décide de partir filmer les alentours de la Mare. La jeune femme réapparaît alors sur les images...
Ce premier épisode met en place les éléments récurrents du feuilleton : irruption du fantastique dans le quotidien, protagonistes ordinaires confrontés au surnaturel, échec des méthodes de police classiques, rivalité Muselier/Paumier, extravagance de ce dernier... Les manifestations de la fée Rosalinde sont habilement amenées et plastiquement réussies (notamment ses apparitions dans un film sépia où elle est nimbée de lumière)... Finalement, la conclusion de l''intrigue est heureuse et l'ordre rationnel est rétabli... en apparence car le fantastique est présent au quotidien, même s'il est invisible aux esprits fermés comme Muselier....
Episode 2 : La septième chaîne.Un jeune homme vient d'assassiner son épouse qu'il accuse de l'avoir trompé avec un acteur... qu'elle n'a jamais rencontré ! Ce dernier joue dans un feuilleton uniquement diffusé sur
la septième chaîne ! (1)
Paumier juge la situation grave car ce n'est pas la première fois qu'un tel cas se produit. Il décide d'enquêter sur cette chaîne mystérieuse et remonte jusqu'à un magasin de télévisions,
Belzébor, tenu par un certain
Diablegris (Pierre Brasseur). Celui-ci offre des conditions particulièrement avantageuses aux jeunes couples désirant acheter ou louer un poste de télévision et leur permet de suivre les programmes expérimentaux de la septième chaîne. Il s'agit d'une dramatique, filmée en direct, mettant en scène un jeune couple. Les téléspectateurs s'identifient aux personnages et leurs disputes influencent leur comportement jusqu'à la conclusion... fatale.
© INA 1975
Pierre Brasseur dans le rôle du Diable.
(1) En 1971, la télévision est un monopole d’État et l'O.R.T.F. ne compte alors que deux chaînes (dont la première est en noir et blanc.) Paumier rappelle que le chiffre sept a des implications magiques.
Paumier rencontre sa Némésis, son Olrik, ni plus ni moins que le diable en personne ! Pierre Brasseur joue de son physique faussement paternel pour rendre Diablegris inquiétant et retors. Cet acteur, père de Claude Brasseur, incarna à l'écran le chirurgien fou du classique de Georges Franju, Les Yeux sans Visage. Albert seconde Paumier en se rendant sur le terrain tandis que son chef supervise les opérations depuis le Quai des Orfèvres. (On songe à L'Homme à l'Orchidée.) En véritable Fregoli, il change d'apparence selon les besoins de son enquête. Muselier doit sacrifier son feuilleton pour assister en compagnie de Paumier, devant la télévision, au démantèlement de la septième chaîne. Il devra se contenter du générique de fin qu'il commente avec son hôte... Tandis que le générique de l'épisode défile à l'écran ! Une véritable mise en abyme.