RETOUR AU PAYS
Cela faisait deux heures que Goldorak avait pris son envol, laissant la Terre derrière lui. Une fois hors du Système Solaire, Actarus avait enclenché la propulsion supra-luminique et c’était sous la forme d’un trait de lumière iridescent que Goldorak faisait à présent route vers Euphor.
Dans le poste de pilotage, l’atmosphère était pesante, seuls les discrets sanglots de Phénicia troublaient parfois l’épais silence. Assise derrière son frère, la jeune fille serrait contre elle le bouquet de roses que lui avait offert Mizar et sur lequel ses larmes glissaient comme des gouttes de rosée.
Mille images, mille pensées s’entrechoquaient douloureusement dans l’esprit d’Actarus. Vénusia, Alcor, son père, sa famille terrienne… La Terre, si bleue, si belle… La victoire, chèrement acquise au prix de tant de combats et de tant de souffrances… Euphor, qui revenait petit à petit à la vie et qu’il lui faudrait reconstruire…
Une violente secousse, suivie d’une stridente sonnerie d’alarme, ramena Actarus à la réalité.
- Actarus, qu’est-ce qui se passe ?
- Je ne sais pas, Phénicia. Le servo-ordinateur a coupé de lui-même la propulsion supra-luminique. Nous sommes repassés en propulsion normale, et de façon brutale.
Le prince consulta fébrilement les instruments de bord et ne put retenir un cri de stupéfaction.
- Phénicia, je crois que nous venons de l’échapper belle.
- Qu’est-ce que tu veux dire ?
- Il y a un objet droit devant nous, un objet qui n’aurait pas dû se trouver là. Heureusement que les senseurs l’ont détecté à temps : si nous étions passés à côté de lui en vitesse supra-luminique, son champ gravitationnel nous aurait dispersés en une pluie de photons !
L’objet était maintenant visible. Un planétoïde noirâtre et rocailleux, à peine plus petit que la Lune, se dressait devant eux.
- Il n’y a aucun système planétaire répertorié dans le secteur, dit Actarus. Il ne peut s’agir que d’un astre errant, comme il en existe sûrement des milliards dans l’univers. Sauf que celui-ci a failli causer notre mort !
Il n’eut pas le temps d’ajouter quoi que ce soit : un monstrueux engin métallique hérissé de tentacules venait de surgir des profondeurs d’un cratère et fonçait vers eux.
Tout s’enchaîna très vite dans la tête d’Actarus. Lorsque le retour vers Euphor fut envisagé, une question s’était posée : fallait-il ou non désarmer Goldorak ? La présence de factions survivantes de l’armée de Véga était toujours possible, la guerre pourrait connaître d’ultimes soubresauts. Par ailleurs, nul ne pouvait dire ce qu’ils allaient trouver sur Euphor. Dès lors, Procyon et lui étaient très vite convenus qu’il serait plus prudent que Goldorak conservât son armement, du moins dans un premier temps. Ses doigts se posèrent machinalement sur la commande du cornofulgure, mais n’exercèrent aucune pression.
- Je suis Actarus, prince d’Euphor, lança-t-il dans l’ampliphone. Je n’ai aucune intention hostile, je ne suis pas votre ennemi. Qui êtes-vous ?
Pour toute réponse, l’engin décocha un puissant rayon qui frappa la proue de Goldorak de plein fouet, lui faisant faire une violente embardée. Sous le choc, Phénicia poussa un cri et lâcha les fleurs de Mizar. En entendant sa sœur crier, Actarus retrouva soudain les réflexes du guerrier qu’il avait pourtant espéré ne plus jamais être.
- Cornofulgure !
L’arc électrique atteignit le monstre à la tête et fit éclater son gros œil central. Quelques secondes plus tard, l’engin explosait, répandant ses débris dans toutes les directions.
- Ça va, petite sœur ?
- Oui, Actarus, juste un peu secouée. Qu’est-ce que c’était que cet engin ?
- Je l’ignore. En tout cas, je suis pratiquement sûr que cela n’était pas un engin de Véga, ça ne ressemble pas à leur techno…
- Actarus ! Regarde ! l’interrompit Phénicia.
Comme une déchirure dans l’espace, un monstrueux trou noir venait de s’ouvrir à côté de l’astre errant. Aussitôt, Actarus sentit Goldorak dériver en sa direction.
- Cette chose nous attire ! Il faut absolument nous éloigner !
Il donna la pleine puissance des réacteurs, mais rien n’y fit. Déjà, Goldorak glissait de l’autre côté du trou noir et s’enfonçait dans un voile de lumière ondoyante, semblable à une aurore boréale.
Une voix terrifiante retentit dans l’espace.
- Prince d’Euphor, pourquoi as-tu tué mon fidèle serviteur ?
- Je n’avais pas l’intention de le tuer, répondit fermement Actarus. Je n’ai fait que me défendre.
Un gigantesque visage de vieillard à longue barbe, empreint d’une incroyable majesté, apparut soudain dans l’éther.
- Quiconque ose défier la puissance de Zeus doit être puni. Prince d’Euphor, tu connaîtras de nombreuses épreuves avant de retrouver les tiens sur la terre de tes pères. Maintenant, viens, franchis le mur des Glaces galactiques, pénètre dans l’univers de l’Olympe. Désormais, Goldorak errera dans des mondes inconnus jusqu’au royaume d’Hadès. Actarus, tu as osé défier les dieux de l’Olympe, tu vas maintenant connaître leur puissance.
Désemparé, Goldorak semblait tomber dans un gouffre sans fond, de plus en plus vite. Plus aucune commande ne répondait. Les yeux d’Actarus se posèrent sur l’écran d’affichage du servo-ordinateur. Les deux mêmes phrases s’y affichaient en boucle :
- Le chemin d’Euphor est effacé de ma mémoire… Goldorak a pénétré dans un espace inconnu… Le chemin d’Euphor est effacé de ma mémoire…
FIN